LA SYRIE SUR LE CHEMIN DE LA RECONSTRUCTION ?
- MENARA

- 10 août
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Déchu le 8 décembre 2024, Bachar al-Assad laisse en héritage une Syrie meurtrie par plusieurs décennies de dictature et plus de dix années de guerre civile. Ce document propose un état des lieux complet de la situation syrienne depuis la fin du régime assadiste et interroge les perspectives de la reconstruction du pays. Si ce rapport se penche davantage sur les aspects économiques et financiers de la reconstruction, il s’attèle à ne pas réduire celleci à ces simples aspects. La reconstruction est un concept transversal qui s’incarne dans chacun des pans de la société, a fortiori dans le contexte syrien qui se démarque par l’ampleur des enjeux de reconstruction du pays, qu’ils soient de nature humanitaire, politique ou économique. La question économique est même subordonnée aux tendances politiques. Néanmoins, dans cet environnement post-conflit, sensible à une reprise de la violence, les évolutions économiques ont d’autant plus d’effet sur le processus de paix, sinon d’apaisement. L’économie doit servir la paix. Les différentes composantes de la population syrienne doivent voir les bénéfices de la fin du régime assadiste et de la guerre civile.
La première partie du rapport se concentre sur la structuration de la Syrie contemporaine sous le joug du clan Assad et du parti Baath. Indépendante en 1946, la Syrie aura été fermement contrôlée par la famille Assad et leurs proches pendant 54 ans. Une telle persistance n’est pas anodine et les années Assad ne pourront pas être balayées d’un revers de main. Si le pouvoir effectif de Bachar al-Assad et de ses proches est aujourd’hui bel et bien disparu, les effets de sa politique lui survivront.
La résistance des mécanismes hérités du régime assadiste dépend de la faculté des nouvelles autorités à mettre en place de nouvelles institutions solides et efficaces afin d’organiser la transition politique du pays. Si le nouveau gouvernement, dominé par les cadres de l’organisation djihadiste rebelle Hayat Tahrir al Sham (HTS) qui a renversé Bachar al-Assad, a affirmé à maintes reprises sa volonté de réconciliation nationale et de mise en place d’une 2 transition démocratique, les premiers mois de son exercice du pouvoir révèlent des tendances bien différentes. La Syrie est dominée par un groupe restreint qui concentre tous les pouvoirs et qui se montre réticent à établir un véritable processus d’inclusion démocratique. De tels manques nourrissent les craintes de parties de la population, notamment les communautés ethnoconfessionnelles minoritaires (Druze, Alaouite, Kurdes), et renforcent ainsi la fragmentation du pays.
En déficit de légitimité et d’autorité sur le plan intérieur, les nouvelles autorités syriennes tentent de la construire par ses réussites sur le plan diplomatique. En seulement quelques mois, les nouveaux dirigeants syriens sont parvenus à tisser un réseau de soutiens régionaux solides, incarnés par la Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar. Ces pays, évidemment motivés par des intérêts propres, sont en première ligne de la réhabilitation politique de la Syrie parmi la communauté internationale et de la reconstruction économique du pays. De plus, les nouvelles autorités, malgré les réticences dues à leur passé djihadiste, ont réussi à convaincre l’administration américaine et les pays membres de l’Union européenne à lever les principales sanctions qui pesaient sur l’économie syrienne depuis de nombreuses années.
Alors que la reconstruction de la Syrie se chiffre entre 250 et 923 milliards de dollars1 , la mobilisation de l’appui étranger est fondamentale. Affaiblie par quatorze années d’économie de guerre, la capacité de financement du pays est nulle. Au-delà des besoins massifs de financement, la Syrie repose également sur le soutien étranger pour ce qui concerne les capacités techniques et opérationnelles. La Syrie souffre d’un manque de main d’œuvre qualifiée, partie du pays à cause de la guerre civile, et de la faiblesse de ton tissu économique et industriel, incapable de prendre en main la reconstruction. Néanmoins, la délégation partielle de la reconstruction de la Syrie ne doit pas entraîner une omission des Syriens dans ce processus. Une reconstruction qui entraînerait un développement économique exclusif et restreint précipiterait la résurgence de l’instabilité et de la violence. Les financements nécessitent d’être fléchés dans la reconstruction d’un tissu industriel syrien autonome qui permettrait un développement durable pour l’ensemble de la population.
À cette exigence de relance économique s’ajoute, et surpasse même, une urgence humanitaire persistante. Des millions de Syriens demeurent déplacés, sans accès à une alimentation suffisante, à des soins de santé adéquats ou à un hébergement digne. Cette situation humanitaire oblige à une mobilisation immédiate de ressources. Pourtant, l’articulation entre aide humanitaire et reconstruction économique soulève des tensions. L’aide d’urgence, souvent canalisée par des circuits internationaux, peut contourner les structures locales et ralentir la montée en puissance d’une économie nationale. De plus, l’orientation des flux financiers vers le court terme humanitaire peut se faire au détriment des investissements de long terme nécessaires au développement. Il importe donc de penser conjointement réponse humanitaire et stratégie économique, afin de ne pas sacrifier l’un à l’autre, mais de les rendre mutuellement compatibles.
Dans ce cadre, la nouvelle administration syrienne joue un rôle central. La mise en place d’un cadre macroéconomique stable est indispensable dans la reconstruction syrienne. Dans l’immédiat, il s’agit d’atténuer les tensions sociales, relancer l'emploi, freiner la hausse des prix, assurer la sécurité alimentaire et garantir un accès minimal aux services de base. La relance de l'investissement public, même exogène, doit s'inscrire dans une logique de développement territorial équilibré. Le risque est grand que la reconstruction se concentre dans les grandes villes ou les zones politiquement fidèles au pouvoir, aggravant les fractures régionales.
In fine, l'avenir économique de la Syrie repose moins sur l'appui extérieur que sur la capacité à rebâtir un contrat social. Une économie fonctionnelle exige une société pacifiée, un État réformé et des institutions au service de l'intérêt général. C’est dans cette direction que doivent converger les politiques de reconstruction.




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